La société civile immobilière comme un ilot
Je vous livre quelques réflexions d’un praticien notaire, au sujet d’une des institutions de notre droit privé, pilier, avec le démembrement de propriété, de la gestion de patrimoine, qu’est la société civile,
Mais, puisque le Droit dit que la Société est une personne, par quel bout commencer ?
Heureusement, l’attribution de cette qualité est le fruit d’une exagération, et d’un défaut de vocabulaire adéquat, et la société civile n’est même pas un animal dont le code civil dit qu’ils « sont des êtres vivants doués de sensibilité….. » (article 515 – 14 du code civil).
Une approche tout à fait matérialiste peut donc être entreprises sans blesser l’objet de l’étude.
De telle société peuvent être propriétaire, usufruitière, nue propriétaire de toute sortes de choses, de valeurs mobilières, de bateaux…et de biens immobiliers (appartement, terrain, immeuble entier…)….c’est d’ailleurs l’objet de la majorité d’entre elles (environ 1 000 000 des 1 400 000 sociétés civiles immatriculées auprès des greffes des tribunaux de commerce), l’associé lui étant propriétaire, usufruitier, nue propriétaire des parts sociales émises par la société.
Ces sociétés civiles dont l’objet, le champ d’activité est, comme il est très souvent stipulé : « l’acquisition, l’administration et la gestion par location ou autrement de tous immeubles… » seront l’objet de notre propos ;
Ces sociétés civiles immobilières ne constituent pas une sous- catégorie des sociétés civiles, et sont régies, comme toutes les autres sociétés civiles, par les dispositions des articles 1845 à 1870 – 1 du code civil.
De cet adn s’extrait un portait, se dessine une société civile :
Au manteau léger : la personne de l’associé n’est jamais totalement effacée, et demeure très souvent libre de changer de vêture, ainsi :
Et ancienne : 29 des 30 articles datent de l’origine, soit l’année 1978. Et, vieillir ainsi une personne de 38 ans n’est pas excessif, tant les réglementations voisines en objet ont été, depuis leur création, totalement ou très majoritairement remaniées, (l’indivision, dont la loi fondatrice date de 1976, a été modifiés en 2006, et 2009, le régime matrimonial légal de 1965, modifié deux fois, en profondeur, en 1985 et 2004, et la copropriété, dont la loi de 1965 a subi 45 lois rectificatives), tant, à la périphérie : sur le sujet de l’immeuble, tout à changé depuis 1978.
La mer du droit positif s’est agitée par les vents déchaînés déclenchés par les Législateur français et européen et les juges très actifs.
Alors, plutôt que celle d’une personne (un vagabond …) se dessine l’image de la société civile, comme une ile, battue par les vents de la modernité mais restant quasiment immuable.
Faut-il s’en approcher ? Est-elle accueillante ? « Est-ce sans danger » (« Marathon Man » W .Goldman) ?) Prudence !
Comme les objets, qui par l’effet du temps se pétrifient, où se corrodent, il nous semble que la structure de la société civile s’opacifie, ce qui éloigne le particulier d’elle, de la transparence initiale, et se traduit par une réduction de l’intérêt pour le particulier de la détention de l’immeuble par la société civile. De ce point de vue, l’ilôt devient récif, et il est peu recommandé de s’y amarrer. Mais, la solidification évoquée rend peut-être possible, une fois débarquée, le creusement de sa structure, et des perspectives à l’associé, car l’ilôt est aussi un champ de corail,
La société civile immobilière comme un récif
Lors de l’acquisition : Pour la cour de cassation, dans la très grande majorité des cas :
La société civile qui emprunte pour acquérir n’est pas protégée par le statut réservé au particulier emprunteur par le code de la Consommation qui accorde à celui-ci quand il doit emprunter pour payer le prix, des protections capitales; en termes de « droit à … » :
La société civile qui achète un bien immobilier à usage d’habitation ne bénéficie pas des facultés de rétractation ou de réflexion, dès lors que l’acte d’achat a « un rapport direct avec l’objet social de la SCI » (Cass 3ème civ 16 septembre 2014 n° 13‑20002) ce qui sera le cas le plus souvent. Selon les termes du communiqué du Cridon de Paris 10 octobre 2014 : « Il n’y a donc pas à faire de distinction en fonction de l’objet social et du caractère familial ou non de la SCI mais simplement de vérifier qu’entre bien – comme ayant un « rapport direct » – dans l’objet de la SCI acheteuse … l’acquisition de l’immeuble. »,
Lors de la vente : Les prémisses retenues par la cour de cassation,(le caractère « professionnel « de la société civile), devraient même conduire à ne pas pouvoir s’exonérer de la garantie des vices cachés dues aux particuliers.
La société civile immobilière comme un champ de corail
Le Droit positif confère à une fiction, la personnalité « morale » (intellectuelle, imaginaire…) de plus en plus de crédit, ce qui créée une différentiation entre l’associé et la société, notable dans deux opérations :
Négative pour l’associé : qui ne peut (plus) user du crédit de la société, bénéficier de sa caution, sans respecter l’intérêt propre de celle-ci, et l’existence de cet intérêt ne résulte pas du seul consentement unanime des associés, mais de :
Dès lors l’usage du crédit de la société au profit d’un tiers, (associé ou non), par le cautionnement est rendu par le droit positif plus difficile.
Positive pour l’associé : car la « personnification » de la société, se traduit aussi par le renforcement de la distinction entre le vote qui est une décision de l’associé et les décisions sociales qui sont des décisions de la société. S’il résulte de celles-ci un avantage au profit d’un associé, sa source n’est pas le vote de l’associé, mais la décision de la société.
Pour l’associé –parent- usufruitier, ce filtre, permet d’éviter la qualification de donations, à des votes dont il résulte des avantages au profit de ses enfants- associés nus propriétaires.,
Il en va ainsi, par exemple, de la résolution par laquelle est mis en réserve le résultat. En quelque sorte, le sol solide de la société permet de constituer des réserves dans des bonnes conditions de conservation.
Si les réserves sont ensuite distribuées, les dividendes reviennent exclusivement à l’usufruitier, mais au titre d’un quasi-usufruit, (on devrait dire comme d’un quasi- propriétaire) à charge de restituer aux nus propriétaires, ceux-ci au décès de l’usufruitier pourront inscrire au passif de sa succession cette dette de restitution d’un montant équivalent aux sommes ainsi distribuées (Cass. com. 27 mai 2015, n° 14-16.246), Si les réserves ne sont pas distribuées : au décès de l’usufruitier, les sommes correspondantes deviendront, automatiquement et sans qu’aucun droits d’enregistrement ne soit dû, la propriété des associés nus- propriétaires (généralement les descendants).
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